14 mois.
Skeudenn : ‘Mikra Anglia’, film grec incroyable.
Est-ce que cela compte, quatorze mois dans une vie ? Si cette vie est longue, imaginons dans la moyenne, ce n’est rien, quatorze mois. Mais ce n’est pas possible de savoir. Donc, seul le temps peut estomper la douleur DES traitements, traitements médicamenteux et traitements relationnels.
Je me sentais moins mal, j’étais globalement moins triste quand j’étais malade.
J’étais moins seule.
Et j’étais protégée.
C’est terriblement dur depuis que je suis en rémission. Puis-je parler de rémission d’ailleurs car, je n’ai entendu ce mot dans la bouche d’aucun médecin.
Quand je bouffais toute cette chimie et cette radioactivité, je savais contre quoi je me battais alors que maintenant, mes ennemies sont des fantômes contre lesquels je lutte, presque comme contre moi-même.
Je ne sais plus qui je suis car
*je me reconstruis.
Cela demande du temps, mais est-ce que j’en ai ?
Je me sens beaucoup plus malade que quand j’étais malade. Quand je rencontre quelqu’un qui ne connaît pas mon histoire j‘ai du mal à cacher que j’ai eu un cancer, que cela fait seulement un mois que je n’ai plus de contraintes dues aux traitements.
La maladie ne m’a pas défini lorsque j’étais en plein dedans. Ce n’est pas non plus le cas aujourd’hui.
Mais ce que je vis le plus mal, ce sont les réactions : Oui, c’est fini. Oui, je ne suis pas morte.
Est-ce que cela veut dire que j’ai eu de la chance ? Je ne peux pas oublier, reprendre ma vie normalement -la vivre pleinement, avoir des pensées positives, me projeter- sans penser que le cancer pourrait revenir.
Oui, mais quand, si, quand. Il ne prévient pas.
Peut-être que les cellules cancéreuses sont toujours là d’ailleurs. Pas moyen de le savoir à ce moment précis.
Je m’agite frénétiquement en remplissant à ras-bord chaque minute que j’ai de disponible. Pourquoi ? Pour ne pas avoir à réfléchir ? Pour ne pas me retrouver face à moi-même ? Pourtant, je vis de mieux en mieux la solitude et, le calme -parfois en compagnie.
Bonne car maintenant, c’est presque à chaque fois le cas. Je ne me force plus.
*je déconstruis, les modèles de vie classique pour tenter d’être plus heureuse et épanouie, un jour.
Quelle est la place de mon avenir dans mon présent ?
Je n’arrive plus à ressentir la gratitude d’être toujours là comme c’était le cas lorsque j’avais l’impression d’avoir frôlé la mort. Je ne souffre pas physiquement, je n’ai pas de piqûre de rappel constante que j’ai une putain de chance d’être encore en vie.
Je regrette que l’on ne m’ait prévenu qu’à la fin que l’après allait peut-être être encore plus difficile. En même temps, qu’est-ce que cela aurait changé ?
Rien.
Je fais comme je peux.
Je blesse.
Je suis blessée.
Et j’essaie juste de revivre.
8 commentaires
Tellement vrai
Je sais très bien de quoi tu parles et je ressens la même chose. Je me sens moins bien depuis que je suis en rémission. J’essaie de retrouver ma place qui n’est plus vraiment la mienne dans le cadre du travail. Se rajoute à cela un problème inédit lié à l’hormonothérapie qui m’oblige à m’arrêter de nouveau…
Merci pour ton témoignage… quel est-ce problème lié à l’hormonothérapie ?
Des bises
Je ne sais que dire tellement tes mots sont justes.
Tu devrais écrire un livre pour aider les gens qui sont dans le même cas de figure.
Est ce que tu y as déjà pensé?
Car tu poses très bien les mots sur les sentiments que l on ressent.
Pour ma part je me sens livrée à moi-même.
Je suis mal.
Bonjour Bérangère,
Tes mots m’inquiètent. J’espère pouvoir t’aider un tant soit peu à te sentir moins seule, et peut-être même un peu mieux.
Si tu veux qu’on puisse s’écrire plus facilement tu peux me contacter sur ma page fb : ariel kynodontas.
As-tu des personnes à qui te confier ? Es-tu suivie par une quelconque association ?
Des bises de réconfort.
Merci de me répondre ariel,
Je n ai plus de Facebook car je m etais inscrite sur un groupe de femmes ayant le même type de crabe que nous, j y suis restée 2 jours et puis hop j ai tout supprimé car qd j ai lu tt ce qu il se disait j ai flippé un max.
Je me suis dit pas bon pour toi ca.
Ce matin j ai parlé pendant presque une heure avec ma coordinatrice il faut dire que je suis une personne de nature très anxieuse qui a toujours besoin d etre rassurée heureusement elle est tres gentille.
Il y a un groupe de parole le dernier jeudi du mois mais comme c est une petite structure nous nous retrouvons souvent à 2 voir 3 même seule avec la psy ca m est déjà arrivé.
Et la psy je l aime pas trop car elle m a dit une fois que je devais accepter que je puisse mourrir un jour et ca m a toute retournee. On dit pas ça à qqun qui a 40 ans. Enfin je pense. Sinon je parle ouvent à mon amie qui habite Paris et qui est passée par la l annee derniere.
Par contre je suis sur messenger et je peux éventuellement remettre facebook je vais voir ce soir.
J ai lu toute ton histoire.
Je ne sais pas si tu t en rends compte mais je pense que tu as un don pour l ecriture.
Qd a moi il faut que j arrete de trop penser, que je me concentre sur quelque chose mais pour l instant je sais pas encore quoi je cherche.
Il faut que je me reprenne!
C est tt ressent j espere que ça passera.
Je crois que mes peurs prennent le dessus.
Merci pour ton aide ariel.
C’est trop difficile d’arrêter de penser mais c’est sûr que si tu peux essayer de t’occuper, cela aide. Peut-être as-tu une chose que tu as toujours souhaité faire et que tu n’as jamais osé passé à l’action, réalise tes rêves…
On peut s’écrire via messenger si tu veux, pas besoin de remettre fb. Quel es-ton nom sur messenger ?
Des bises et courage, accroche-toi.
Bonjour Ariel, je finis ma radiothérapie dans 15 jours normalement, après une 2e tumorectomie sur le 2e sein : 1er cancer en 2015 avec radiothérapie et hormonothérapie… j’allais finir les 5 ans d’hormonothérapie quand le verdict est tombé le jour de l’anniversaire de mon mari et veille du mien… CCI grade III triple négatif… cette fois je n’échapperai pas à la chimiothérapie… En septembre, ma radiothérapeute me disait que le cancer du sein ne donnait pas de douleur parce que je sentais des douleurs aux 2 seins… en octobre, malaise au boulot, surmenage au travail, je sentais qu’il y avait quelque chose qui clochait… « il faut lever le pied » me disait-on…
Fin 2014, j’apprenais que j’étais porteuse d’une mutation du gène BRCA2… En 2016, ovariectomie prophylactique pour diminuer le risque de récidive…
Ce 2e cancer est plus difficile… les traitements mais surtout la famille… mon mari est le meilleur mari que l’on puisse avoir, son année est aussi difficile que pour moi, nous sommes très proches, quant à mes filles, 2 âges, 2 réactions différentes… ma grande de 18 ans est comme une petite maman, ma deuxième est en colère contre la maladie et ce p… de gène… elle avait peur, peur d’une issue négative et la chimio n’a pas aidé… mais aujourd’hui elle voit que je suis encore une fois la gagnante de ce duel 🙂 Je peux de nouveau faire des activités avec elle, elle a 15 ans.
Autre chose difficile pour moi : arrêter de travailler… je suis enseignante dans un petit collège et directrice de l’établissement… il a fallu annoncer aux familles mon absence « pour problème de santé », le dire aussi à mes élèves, à mes collègues qui ont dû me suppléer… Pour la 1ere fois depuis 20 ans, je ne ferai pas ma rentrée scolaire… c’est très difficile, je me sens comme inutile… aussi tes mots Ariel me parlent…
Le soutien de tous est très important pour moi, même si autour de moi tout le monde me dit « forte », il y a des moments difficiles… et toujours cette question quand je réfléchis trop… « va t il encore revenir ? »…
Chacune son combat, son histoire mais pour toutes la guérison 🙂 Il faut croire en soi et garder confiance.
Bon courage à nous toutes !
Merci Ariel pour ce blog 🙂