Ariel Kynodontas

Fighting The Crab

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canine le 6 août 2018

La région mammaire gauche.

Je suis allongée sur mon lit, torse-nu, et pensive, je regarde mon corps.

Cette enveloppe que je reconnais mienne mais qui a changé depuis le début des traitements. Je ne la vois plus de la même manière, probablement parce que je ne l’observe pas avec des yeux totalement bienveillants.
Ce corps ne m’appartient plus complètement, il est comme un prêt qu’on m’a fait, d’autres me permettent de vivre encore avec mais, je ne sais pas pendant combien de temps.
Lorsque je me regarde dans la glace, seule, je suis mal à l’aise, j’ose à peine poser les yeux sur moi, je ne me reconnais plus.
Il y a une région en particulier qui m’est désormais étrangère.
C’est ce sein gauche.
Je le regarde de haut, presque avec mépris et suffisance, je trouve qu’il est gribouillé de vergetures, beaucoup plus qu’avant (le truc impossible, je n’allaite pas ma tumeur). Mon mamelon n’est plus le même non plus, il est comme mort, renfrogné et sombre, comme un membre qui pourrirait doucement.
Ce sein est habité par ce que les docteurs appellent un ‘clip’ qui, posé sur la tumeur, empêche de perdre son emplacement si jamais elle parvient à disparaitre totalement. Plusieurs fois par semaine, je la sens cette grosseur, cette sale squatteuse qui a bien foutu la merde.
Ça appuie comme une petite pique à l’intérieur, comme un cure-dent avec lequel on gratterait et, toujours en insistant sur le même endroit. Je préfère me dire que c’est parce que les traitements marchent, qu’elle diminue un peu plus chaque jour, et que c’est pour ça que ça travaille tout dedans.
Je change et vieillis plus que je le devrais, parfois j’ai l’impression d’être dans la ‘moyenne’ et d’avoir moi aussi 61 ans, et de porter des bas de contention couleur chair.
J’ai aussi le sentiment d’avoir eu plusieurs vies, d’avoir été plusieurs personnes.

 

Pourquoi est-ce que moi, petite meuf même pas super héroïne, j’aurai le droit de vivre ?
Pourquoi est-ce que je m’en sortirai, guérirai à vie, alors que d’autres s’éteignent dans le silence chaque jour ?
J’aurai au moins laissé ma trace ici.

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3 commentaires

  • Très touchant ton texte… J’aime beaucoup te lire.
    Tout mon courage dans ton combat ! You can do it 💪

  • ariel kynodontas says:

    Merci beaucoup ! J’aime énormément te lire aussi, nous avons pas mal de points communs !

  • Bernard Veyries says:

    Madame , comment oserais je vous dire que votre façon de vous exprimer est allucinante et merveilleuse.
    Je vais vous lire encore, mais déjà je ne peux pas m’empêcher de vous dire que l’espérance est toujours plus forte que l’abandon et sur un autre sujet, je vous présente, Madame Alexia Cassar, tatoueuse !!!
    Pas seulement ! Ce qu’elle réalise est bien plus qu’un tatouage sur des Femmes opérées.
    Madame Cassar « reconstruit » le téton avec aiguilles et encres de couleurs et l’effet visuel est impressionnant.
    Sa démarche professionnelle est, en plus du grand talent que cela requiert, une croisade philosophique.
    Son travail est surtout un moyen pour ces Femmes, lésées par une intervention chirurgicale, de retrouver leur « identité » d’avant opérations qui blessent corps et esprits, c’est me semble-t-il tellement important !!!
    Merci à Madame Cassar pour toutes les Femmes… et messieurs aussi …(n’est ce pas, Vinnie Myers) enfin ceux qui aiment les Femmes avec un « F » majuscule en ayant pour elles tout le respect qu’elles méritent.
    Vous pouvez la retrouver Alexia Cassar là,
    http://xn--thettonstattooshop-ewb.com
    Mais je ne suis qu’un homme, forcément mal placé pour comprendre l’épreuve que vous vivez, pardonnez-moi mais je trouve cela tellement grand, tellement noble, que je ne peux pas me contenir de vous l’écrire.
    Respectueusement.

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